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« HORS LA LOI »: film bienvenu. SETIF: le souvenir d’une victime

Les cinéphiles et les spectateurs auront le dernier mot et diront s’ils apprécient la sélection des organisateurs du festival de Cannes. Je leur suis par avance reconnaissant d’avoir présenté deux films, Hors la Loi et Des Hommes et des Dieux, qui, manifestement, interrogent des moments sensibles, tragiques, d’une histoire commune, et chère, à des millions de citoyens, des deux cotés de la Méditerranée.
Les 1200 personnes âgées accompagnées du maire de Cannes et quelques élus UMP, ainsi que de militants du Front national, qui viennent de se donner en spectacle sur la Croisette, n’ont pas vu le film.
Inspirées par des arrières pensées nostalgiques ou néo nationalistes, elles n’hésitent pas à reprocher aux organisateurs du festival d’avoir sélectionné ce film. Elles en demandent même l’interdiction au nom de la "vérité historique bafouée".
Je n’ai vu, ni Des dieux et des hommes, ni Hors la Loi. Mais s’il est une anomalie révoltante, c’est, qu’en 2010, la liberté de diffuser et voir les films de Xavier Beauvois et Rachid Bouchareb, ne soit pas assurée, en France et en Algérie. Preuve s’il en est que nous restons engoncés, des deux cotés, dans une sorte de déni, dans ce que l’historien algérien Mohamed Harbi nomme "une histoire sous surveillance".

Je suis moins intéressé par le passé que par le présent et l’avenir: l’impatience, le désir de connaitre un jour, de vivre, l’enrichissement de relations enfin libérées, épanouies, entre les citoyens des deux pays, dans leurs diversités.
Mais on ne construit pas sur l’oubli.
Dans un an, l’indépendance de l’Algérie aura un demi siècle. Le travail de mémoire est au point mort, la grande Histoire reste à écrire, archives ouvertes, par une commission mixte d’historiens des deux pays. Il ne faut pas nier les souffrances, toutes les souffrances, réelles, celle des colonisés tout d’abord, celle aussi des européens rapatriés sans autre choix, celles des combattants, des harkis…
Un premier geste se fait attendre : un Président français, qui, à l’instar de Chirac pour le crime du vel d’Hiv, reconnaîtrait les crimes de la colonisation française de l’Algérie, tellement violente, dès son origine, en 1870.

La prétention à effacer des mémoires les évènements les plus douloureux, nous fait perdre du temps. La négation des massacres de Sétif est blessante, pour toutes les victimes, pour tous les témoins. Je repense depuis ce matin à une rencontre avec une victime de Sétif, dans les Aurès, il y a déjà bien longtemps. En voici le bref récit

AurèsEn voyage de découverte au pays d’une partie de mes aïeux, il y a une trentaine d’années, je me souviens, à l’occasion d’un arrêt dans un hôtel, situé au coeur d’un canyon, dans les Aurès, quelque part sur entre les gorges de Rhoufi et de M’Chounèche, avoir fait une rencontre qui est gravée dans mémoire.
Notre hôte nous avait raconté sa triste histoire. Originaire de la région de Sétif, engagé volontaire dans l’armée française lors de la seconde guerre mondiale, cantonné à Strasbourg au printemps 1945, il s’était trouvé privé de participation à l’allégresse générale, consigné dans a caserne sans aucune explication pendant deux mois. Enfin libéré, il était retourné à Sétif où il avait alors appris l’inconcevable, l’assassinat d’un nombre incalculable de ses familiers et proches, victimes des massacres dits de Sétif et Guelma. Il ne s’agit pas ici de faire l’histoire en lieu et place des historiens qui s’accordent pour chiffrer le nombre, plus d’une centaine, de victimes européennes des émeutes. Les émeutes éclatèrent après la répression d’une manifestation organisée par les nationalistes modérés algériens pour … fêter la victoire. Elles furent suivies de massacres de masse, qui durèrent plusieurs semaines et firent des milliers/des dizaines de milliers de morts algériens, sur ce chiffrage les chiffres des historiens divergent. Mon hôte, sans aucune agressivité, avec beaucoup de modération et d’humanité, conscient d’avoir dès lors été engagé dans une histoire qui le dépassait, nous avait expliqué qu’on pouvait dater du 8 mai 1945, le moment ou la grande majorité de la jeunesse instruite, dont il faisait partie, avait délaissé les aspirations à faire reconnaître ses droits de citoyenneté au sein de la république française au profit d’un engagement irréductible dans le combat pour l’indépendance nationale.
le 21 mai 2010. Claude Taleb

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