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Retour de Bordeaux

Il semble que nous étions moins  moins nombreux à Bordeaux pour ces journées d’été 2014 d’EELV qu’à Marseille l’an passé.

Souvenons nous, c’est déjà si loin : Christiane Taubira ministre de la justice et Philippe Martin, nouveau ministre de l’écologie, s’y étaient taillé un beau succès à l’applaudimètre vert. La cote de Pascal Canfin, jeune et compétent ministre était orientée à la hausse. Cécile Duflot avait suffisamment « l’oreille du Président » pour avoir bloqué les velléités aéroportuaires de Jean Marc Ayrault. Le temps de « la désillusion » qui fait aujourd’hui le sous titre de son livre, n’avait pas encore sonné.

Deux débâcles électorales sont intervenues dans l’intervalle. Et ces débâcles ne sont pas des incidents de parcours. Elles signent l’échec conjoint de la gauche et de l’écologie à assumer l’exercice du pouvoir tout en concrétisant les promesses qu’elles portent dans leurs projets : la réduction des inégalités, la priorité à l’emploi, la transition écologique, le développement de la citoyenneté et de la démocratie.

Le retour d’une droite ultra conservatrice qu’on croyait éteinte avec le XX ème siècle ou les menaces d’une droite affairiste berlusconisée comme la percée néo fasciste n’en sont que les tristes et pénibles conséquences. Les droites ont pour le moment gagné le combat des idées que la gauche a laissé en plan depuis longtemps. La France a changé, le monde aussi. La dégradation vertigineuse et quotidienne de la situation internationale, semblent peu à peu nous faire entrer de plein pied dans une zone d’incertitude et de périls que n’ont vécu aucune des générations contemporaines de la seconde moitié du XX ème siècle et du début du XXI ème. Dans un tel contexte, il est évident que l’audience des forces politiques qui portent l’exacerbation des replis, des conflits, des exclusions, du nationalisme, et du racisme, est un facteur aggravant.

C’est la première remarque qui m’est venue à l’esprit au fils des échanges avec divers amis écolos qu’il est toujours si agréable de retrouver : être utiles aujourd’hui et demain, c’est refaire du fond (*) sans penser qu’on a tout le matos dans nos livres. C’est réinventer, fissa, un projet de transition (un cap, un chemin, les compromis sociaux nécessaires…) crédible. Cela ne se fait pas en chambre. Cela nécessite de nous dépasser, de redoubler d’ouverture à la société. Dans ce schéma, il faut vite faire le deuil des bonnes vielles recettes qui nous réussissent depuis des années pour nous opposer et pour nous réunir, rebattre toutes les cartes.

C’est à cette aune, qu’il me semble prudent de relativiser l’ampleur et l’impact réel de la tempête médiatique dans un verre d’eau consécutive aux nouveautés de cet été ecolo. Sans conteste, la publication du livre de Cecile Duflot « de l’intérieur :voyage au pays de la désillusion » a atteint son but, en agitant les gazettes, tout en donnant un fort écho à ces journées, pour le « bénéfice » de tous, les partisans de son point de vue comme ses contempteurs. Alors principale dirigeante d’EELV devenue Ministre en 2012, son témoignage « de l’intérieur » est évidemment intéressant. Sa prise de parole, si personnelle soit elle, est aussi légitime que salutaire. De même qu’il ne faut pas non plus s’offusquer qu’elle soit contredite par d’autres, militants et élus. Qui s’en étonnera : la volée de bois vert qu’elle administre au Président de la République et à Manuel Valls, ne fait pas l’unanimité mais rencontre l’assentiment d’un grand nombre de militants et d’élus, parce qu’elle fait écho à leur déception et à leur colère. Ce qui est dès lors utile c’est de se demander pourquoi et comment on en est arrivés là. C’est interroger les raisons du soulagement bien réel des lors ressenti par les ministres concernés et leurs équipes mais aussi par un grand nombre des militants et des militantes qui sont loi d’être tous d’impénitents gauchistes.

Il faut pourtant aller plus loin que la seule mise en cause des personnalités du Président de la République, du Premier ministre ou de l’ex Ministre du budget qui a a fait les choux gras des médias ces jours ci. Les nombreux français qui sont détournés de la politique se fichent de ce qui apparaît comme des querelles entre politiques et cela les incite à s’en éloigner plus encore. Ce qu’ils attendent des élus et des partis c’est qu’ils prouvent qu’ils sont à leur écoute et qu’ils se battent pour mettre en place des solutions nouvelles et concrètes pour améliorer leurs conditions de vie. Qui dit « désillusion » suppose une illusion préalable. «  j’ai fait le même chemin que des millions de français. J’ai voté Hollande, cru en lui et été déçue.. nous dit Cécile en regrettant de n’avoir pu « le pousser à mener une vraie politique de gauche »..

N’était il pas en effet illusoire d’imaginer convaincre celui ou ceux qui ne voulaient pas l’être dans le contexte que nous connaissons ? Laisser nos deux Ministres (ou nos parlementaires) se « débrouiller » avec cette question souligne selon moi nos insuffisances collectives en tant que parti. Qu’avons nous fait d’efficace, dans la société, pour gagner la bataille culturelle, pour qu’il en soit autrement? Cécile Duflot et Pascal Canfin n’auraient ils pas davantage été écoutés si, plutôt que de subir l’offensive pernicieuse de ceux qui s’ingénient à stigmatiser l’écologie punitive, nous avions su faire approuver nos idées et par exemple créer de l’adhésion à la fiscalité écologique, comme une politique positive et juste?

Plusieurs mois avant la nomination de Manuel Valls, alors que Cécile et Pascal étaient encore ministres, notre mouvement s’était uni pour revendiquer un changement de cap. Un peu plus tôt, Pascal Durand, alors secrétaire national, l’avait si vertement exigé qu’il avait été désavoué par les instances nationales. La demande ne date donc pas d’aujourd’hui. Le changement de cap est une nécessité. Peu importe les hommes, c’est d’un changement de politique qui est à l’ordre du jour. Parce que la politique de l’offre non ciblée échoue, parce que l’austérité créé une indicible souffrance sociale, parce que la transition énergétique se fait attendre alors que le changement climatique gagne du terrain .

C’est pourquoi le dilemme reste entier pour EELV et pour tous les écologistes. Le soulagement de ne pas être associés à une politique qui désespère et qui crée de la colère est quasi quotidien. Mais l’éthique de responsabilité, qui est dans l’ADN de l’écologie politique, proscrit la politique du pire et rend légitime le questionnement de ceux qui se demandent si le rétrécissement de la majorité gouvernementale n’est pas la voie royale vers pire encore.

Soyons clair, je pense qu’il est stérile de continuer à regretter la sortie du gouvernement plusieurs mois après que la décision ait été prise, ainsi que l’ont fait plusieurs dizaines de militants et d’amis dans une déclaration publiée à Bordeaux.

On peut faire de la politique, on peut être utiles, sans participer au gouvernement.

Tout est question de posture et d’aptitude rendre concret et réaliste le changement de cap, la transition écologique, que nous proposons comme voie de sortie de crise. Mais il faut dans le même temps se garder du risque de glisser sur la pente facile de l’opposition sans nuance et sans perspective. Je reviens de Bordeaux avec la conviction que cette tentation, qui est aussi un solution de facilité pour des militants sincères et déçus, est forte, et qu’elle porte le risque d’échec collectif. Le livre de Cécile, mécaniquement, pousse dans ce sens.

So watt?

Au vu des choix chaque jour réaffirmés par Hollande et Valls, ceux qui s’évertuent à imaginer un retour des écologistes au sein du gouvernement font preuve d’une sacré dose d’optimisme. Mais il reste 3 ans pour changer la donne. Et changer la donne signifie d’abord changer de politique et choisir l’audace d’une relance et d’une sortie de crise par l’écologie.  On sait que les métiers de la construction ou l’agriculture biologique, outre leurs avantages environnementaux, présentent l’avantage d’être intensifs en emploi. Et on ignore encore, faute d’y avoir véritablement investi, les potentiels de l’économie verte et plus encore de l’association économie écologique/NTIC/ sur le mode collaboratif et participatif . Notre objectif est donc moins de « pousser les socialistes à mener une vraie politique de gauche » que d’écologiser toute la société et donc toute la gauche.

C’est un tel changement de cap qui rendrait une nouvelle participation possible et souhaitable. Il est peu probable, ce n’est aucunement une raison pour y renoncer. Parce que cela reste la seule et unique alternative susceptible de conjurer le virage néo conservateur et la marée brune-bleue annoncée . Parce que nourrir et crédibiliser cette ambition implique la grande ouverture à la société, à contrario des chimères gauchistes ou gaucho-vertes, et de la seule posture de commentateurs exaspérés des renoncements.

Nous ne partons pas de rien. EELV porte depuis quelques années, avec plus ou moins de constance, la thématique de l’écologie des solutions. Pascal Canfin qui a décidé de quitter le gouvernement avec Cécile Duflot vient de publier un livre, « Imaginons » qui est un livre de dialogue avec une ouvrière, un patron de PME, une infirmière, un financier, dans cette démarche qui consiste à inventer le changement en se nourrissant de l’innovation sociale, des attentes et des petits et grands combats citoyens. La sensibilité « Agir, pour une écologie qui créée, qui agit, qui construit » se donne pour objectif de « .. Rouvrir des perspectives. Explorer des possibles. Montrer que l’horizon n’est pas si sombre qu’il ne semble… » et met en exergue ces « révolutions tranquilles qui changent le monde ».

Cécile Duflot et Pascal Canfin, annoncent avec Ska Keller euro-députée allemande et Philippe Lamberts, euro-député belge, la création d’ « Imagine » un club de réflexions destiné à élaborer des solutions européennes à la crise économique et écologique.

Des « chantiers de l’écologie » sont annoncés sur tous les territoires.

Combattre les tentations de replis individualistes et la résignation au pire en indiquant et en décrivant des possibles et des voies de passage pour y parvenir. Ce chantier est gigantesque mais il est à notre portée. A condition de faire l’effort sur nous mêmes !

(*) et nous épargner la caricature de plénière sur « les 40 ans de l’écologie politique » et le choix un tantinet politicien des seuls grands témoins politiques invités ;  Antoine Waechter, Corinne Lepage et Jean Luc Benhamias, davantage témoins de l’écologie repliée sur ses certitudes, de l’écologie solitaire et opportuniste, ou de l’écologie combinarde que de.. l’écologie des solutions.  Depuis la création des Verts, il y a 30 ans, des luttes et des évènements ont pourtant marqué les esprits autant que la progression de l’écologie dans notre pays. Pour n’en citer qu’un seul : la première présidence d’une région française par une élue verte, Marie Blandin, entre 1992 et 1998. première région écolo, première région à expérimenter la régionalisation des TER et bien d’autres innovations. Un an avant les régionales de 2015, ce témoignage ne manquait pas de sens. Marie elle même était présente à Bordeaux, et n’avait pas été sollicitée…

3 Commentaires Post a comment
  1. Blavette Guillaume #

    Ce papier est surprenant au vu de ton engagement en faveur de la participation en juin 2012.  » Qu’avons nous fait d’efficace, dans la société, pour gagner la bataille culturelle, pour qu’il en soit autrement? » demandes-tu. On pourrait reformuler cette question à l’échelle de la Haute-Normandie. Qu’avez vous fait d’efficace pour gagner la bataille culturelle ? Le SRCAE est une catastrophe, le SRCE est en deça des enjeux, la mise en oeuvre d’une DTA anachronique se poursuit sans la moindre dénonciation des écologistes en responsabilité. Et je ne parle pas des grands projets inutiles qui s’accumulent toujours surdéterminés par les besoins de la région capitale ne laissant que risques et désagrément aux gens d’ici. Le million et demi dont bénéficie l’ESS au regard des 60 millions du budget de l’économie de la Région parait bien dérisoire. Le fait est que le mouvement écolo ne pèse guère parce qu’il est ici divisé… divisé non pas par des conflits de personne mais parce qu’il n’y a pas d’entente entre les différentes composantes du mouvement. Comment les associatifs peuvent comprendre que des élus acceptent le stationnement gratuit en centre-ville ? Comment des citoyens ne peuvent craindre le projet de reconversion du site de Petroplus ? Comment des contribuables ne peuvent s’indigner au vu du sacrifice du vélo par la CREA ou du projet de Palais dont veut se doter le pathétique Sanchez ? Comment un énergéticien ne peut s’émouvoir de projets de chaufferie ou d’unité de méthanisation qui relèvent tout au plus du greenwashing (Maromme, terralys, Gaillon, etc.) Quelle est au final la cohérence de l’action politique des écologistes ? Plus des élus acceptent des compromis… plus les militants s’éloignent d’un parti qui n’assument pas le rôle qui est le sien. L’exemple du nucléaire le prouve parfaitement. . En matière de “sortie” du nucléaire (et même d’économies d’énergie, et de pas mal d’autres choses…), le dogme de la progressivité (supposée écologiste parce que “douce” et censée dispenser de tout recours aux fossiles) est depuis vingt ans une escroquerie politicienne, qui ne sert qu’à déguiser des reculades en avancées tout en contribuant, par son encouragement de fait au maintien du statu quo, à aggraver le changement climatique dont elle prétend faire sa priorité. »

    août 25, 2014
  2. Claude #

    Bonjour Guillaume

    J’étais évidemment favorable à la participation d’EELV au gouvernement Ayrault en 2012, du reste, comme l’écrasante majorité des sympathisants écologistes ainsi que l’ont établi toutes les études sur le sujet.
    Pour plusieurs raisons : la gravité de la crise environnementale et l’éthique de responsabilité qui commande aux écolos de toujours, “faire leur part”. La cohérence politique alors que le premiers groupes parlementaires de l’histoire de l’écologie dans notre pays étaient créés dans un contexte d’accord avec le parti socialiste.

    Comme je l’ai écrit ici ( à cette heure je ne connais pas le résultat du remaniement qui n’était pas d’actualité lorsque j’ai écrit le billet) je n’y suis pas favorable aujourd’hui pour des raisons de lisibilité et d’efficacité politique. Nous avons quitté le gvt il y a 6 mois alors que le mouvement revendiquait déjà depuis un moment un changement de cap. Une volte face serait illisible et condamnée à l’inefficacité alors qu’Hollande et Valls réaffirment leur cours social libéral. Comme je l’ai écrit on peut faire de la politique hors du gouvernement, j’ai toujours pensé ça. Ce qui ne veut pas dire que se trouver en dehors est un objectif et certainement pas la garantie d’être plus efficaces!

    C’est pourquoi, je préfère anticiper ta “surprise” je suis de ceux qui souhaitent créer à terme les conditions de la participation. Un préalable à cela : un changement de cap vers l’écologie (ne confondre sous aucun prétexte avec la ligne Montebourg !)

    Sur tout le reste de ta “démonstration”, elle est comme d’hab excessive et donc..

    Je te rejoins sur un point de fond affirmé au début : le reformulation de la question “qu’avons nous fait”. il serait intéressant de faire l’exercice à tous les niveaux. Les politiques régionales (qui valent mieux que des interprétations inexactes ou incomplètes) , les politiques locales .. mais aussi l’action associative et militante. N’hésite pas à te poser la question à toi même 🙂

    août 26, 2014
  3. Hello Claude !

    Pour ma part, je dirais qu’il ne faut pas s’attendre à ce que le gouvernement actuel ait pour première préoccupation l’écologisme. Comme tu le dis « Au vu des choix chaque jour réaffirmés par Hollande et Valls, ceux qui s’évertuent à imaginer un retour des écologistes au sein du gouvernement font preuve d’une sacré dose d’optimisme.  » Pour moi, ça résume tout !

    octobre 8, 2014

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POUR UN NEW DEAL ÉCOLOGIQUE écologiste, conseiller régional de Normandie